Les chemins du consentement dans le cerveau


NEUROSCIENCES Comment notre cerveau gère-t-il le consentement ? Tout est question d’évaluation.


La sélection du cerveau

Lors de la prise de décision, l’imagerie médicale permet de voir les différentes zones du cerveau qui s’activent. Elles impliquent les émotions, le système de récompense, la motivation et les inhibitions, explique le neuro scientifique Alexandre Pinault. Le cerveau va sélectionner une réponse qui repose sur l’expérience, les émotions ainsi que les aspects socioculturels. Le consentement se base sur tous ces paramètres et le résultat final est une réponse positive, pour soi, de ce que l’on veut faire ou pas, y compris inhiber un comportement.


Mais le cerveau peut aussi tomber dans le piège de biais cognitifs, « qui réduisent la charge et la complication de la prise de décision pour aller au plus vite à la récompense », explique-t-il. Attention, pour le cerveau, le terme « récompense » ne correspond pas à ce qui est sain ou positif. Par exemple : accepter un bisou contre un bonbon, prendre un risque grave pour ne pas être rejeté du groupe ou, pire encore, subir un geste abusif par crainte de ne plus être aimé.


Le cerveau immature

Le cerveau de l’enfant ne sait pas évaluer les conséquences de ses décisions. Celui de l’adolescent est calibré pour l’apprentissage par l’expérimentation, donc prendre des risques. Dans les deux cas, le cerveau cherche la récompense la plus immédiate et gratifiante possible, précise Alexandre Pinault. Par conséquent, au cours de l’enfance et de l’adolescence, la gestion du consentement se fait par des décisions rapides, à l’aune de la satisfaction immédiate.


« La capacité d’attribuer des états mentaux aux autres pour prédire leur comportement et prendre des décisions se développe vraiment au cours de l’adolescence », ajoute-t-il. Tant que cette maturité n’est pas acquise, l’éducation revêt une importance extrême dans l’apprentissage de la notion de consentement et de ses conséquences pour ne devenir ni bourreau ni victime, mais développer l’altérité et le sens critique.


L’ajustement au consentement de l’autre

A l’âge adulte, le cerveau mature a enregistré diverses expériences accompagnées d’émotions telles que le regret ou le soulagement. Le cerveau est alors orienté « pour limiter les dommages », observe Alexandre Pinault.


Exemple : A et B sortent ensemble, A propose à B d’aller au cinéma. Selon l’analyse de A, cinéma +compagnie de B a un coût-bénéfice-risque optimum en termes de récompense. B refuse. A insiste. B refuse. A réévalue ses options pour limiter les dommages : abandon du cinéma, proposition d’aller au restaurant. B réévalue aussi ses options et accepte. Par consentement mutuel, A et B choisissent le restaurant ensemble. C’est ce qui est censé se passer entre adultes. En effet, « dans le consentement, l’autre doit consentir à ce que je consens », rappelle Alexandre Pinault.


Cependant, il en faut peu pour fragiliser ce schéma : une éducation basée sur des rapports de force, de soumission ou du chantage affectif, une relation toxique, un manque de confiance en soi, etc.


Le consentement implicite

Sandra Gersbach Nan Nguema, psychologue au Centre de  sexologie et couple de La Côte, aborde un autre cas de figure: le consentement implicite. «Au sein d’une relation, il y a énormément de choses implicites, dont des gestes qui seraient intrusifs dans un autre cadre», affirme-t-elle. Dans les relations familiales, conjugales ou amicales, si elles sont équilibrées, le consentement implicite permet des gestes affectueux spontanés.


En aucun cas la notion de consentement implicite ne justifie des gestes imposés. Or, pour protéger la relation, le cerveau effectue une pesée d’intérêts qui définit la valeur du consentement.


La psychologue entend très souvent « je n’ose pas le ou la priver, même si je n’en ai pas envie ». Dans ce cas, elle observe que la pesée d’intérêts accorde peu de valeur au consentement et place le focus sur le risque d’infidélité ou d’abandon.


« Céder sans désirer est un fonctionnement destructeur sur le moyen et long terme, et peut conduire à une répulsion totale face au désir de l’autre », insiste-t-elle.


Le consentement sous pression

Sandra Gersbach Nan Nguema se questionne sur les cas de figure où le consentement est exprimé explicitement pour répondre à une pression sociale, « qui pousse beaucoup de gens à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire. Or, qui dit consentement ne dit pas désir pour autant ».


A aucun moment, dans une relation, le consentement sexuel d’une part et le désir d’autre part peuvent être considérés comme acquis. Bien au contraire, c’est un champ de discussion qui doit être sans cesse cultivé. Le consentement peut facilement entrer dans la relation et y trouver une place au long cours. « Exprimer le désir brûlant d’embrasser l’autre et lui demander la permission reste romantique », souligne-t-elle.


Cependant, « le profond changement culturel et social nécessaire passe par la prise de conscience collective, un débat de société, l’éducation des enfants tant les filles que les garçons, etc. » affirme-t-elle. Et sans langue de bois, la psychologue ajoute : « C’est une utopie de croire que l’on va pouvoir régler juridiquement toutes les relations déséquilibrées dans lesquelles existe une problématique de consentement. »


Key In For Fun : Kiff, le consentement 2.0

Le municipal buchillonnais Pierre-Frédéric Guex et Christophe Bally ont créé une application, Kiff, pour formaliser le consentement lors de rencontres entre adultes consentants pour des relations sexuelles.


« Kiff est basée sur les 5 règles du consentement d’Amnesty International : âge légal, un oui, la liberté de dire stop quand je veux, le consentement libre et éclairé et la protection », explique Pierre-Frédéric Guex. L’application facilite le dialogue autour du consentement d’autant qu’il s’agit d’un média sans jugement entre les personnes impliquées. Pierre-Frédéric Guex et Christophe Bally la voient comme un outil préventif pour limiter les risques de viol et d’agression sexuelle.


Une alarme peut être activée et envoyer un SMS à une personne de confiance. L’application peut fournir une preuve recevable dans le traitement d’une plainte, confirment les deux hommes. Ils présenteront leur innovation au Congrès international francophone sur l’agression sexuelle (CIFAS), qui aura lieu du 4 au 7 juin à Lausanne.


Lire l’article originel ici : https://2yes.ch/wp-content/uploads/2024/05/les_chemins_du_consentement_dans_le_cerveau.pdf