Les applications de consentement offrent-elles une garantie d’impunité aux agresseurs?


L’évolution constante de la technologie a un impact significatif sur les divers aspects de notre vie, y compris dans nos relations intimes. L’émergence d’applications de consentement suscite des débats et des discussions sur leur véritable objectif. Visent-elles vraiment à protéger les victimes potentielles en démontrant qu’un partenaire a consciemment et volontairement dépassé des limites formellement acceptées ? Ou offrent-elles plutôt l’impunité à un abuseur qui pourrait argumenter « …mais il/elle a consenti Monsieur le Juge, et en voici la preuve ! ». Quelle place alors donner à ces applications dans la prévention des abus et dans la promotion du consentement éclairé ?


Tout d’abord, oublions l’idée que le consentement sexuel puisse être réduit à un simple oui/non. Partons plutôt du principe qu’il concerne tout l’espace intime dans lequel la relation sexuelle va se dérouler. Le consentement donné couvre un territoire à géométrie variable, fonction des envies de chacun et des alchimies du moment. Et si nous nous contentions d’en définir les limites universelles, les règles du jeu en quelque sorte, laissant ainsi la liberté aux joueurs d’y jouer comme ils ou elles l’entendent, avec comme seul but d’y trouver leur plaisir ?


D’un autre côté, n’est-il pas ridicule de vouloir formaliser l’engagement que les partenaires prennent à lire et surtout à respecter ces règles ? Comment aborder le sujet du consentement sexuel sans maladresse, lourdeur ou dogmatisme ? L’usage d’une application permettrait-il de transformer cette discussion en un moment plaisant, voire même sexy ?


La réflexion passe par le rappel de quelques notions de base :


De quoi parle-t-on quand on évoque le consentement éclairé ?

Le consentement éclairé est un principe fondamental dans toute relation intime. Il implique que toutes les parties impliquées comprennent pleinement les actes auxquels elles participent, et pour lesquels elles donnent leur accord volontaire et enthousiaste, sans coercition ni pression. Les applications de consentement devraient être conçues avant tout pour faciliter la communication, et garantir que toutes les parties sont sur la même longueur d’onde en ce qui concerne leurs limites et le respect de leurs droits.


La prévention des abus

L’intérêt principal de ces applications de consentement devrait être le rôle qu’elles peuvent prendre dans la prévention des abus. En établissant clairement les limites à ne pas dépasser, ces applications peuvent réduire les risques de malentendus et les situations potentiellement dangereuses. Les utilisateurs devraient pouvoir parler ouvertement des désirs et des limites de chacun, créant ainsi cet espace privilégié dans lequel le consentement devient transparent. Mais attention au piège qui consisterait à lister les pratiques et leur enchaînement. Peut-on vraiment parler d’amour et de plaisir en déroulant le roadbook GPS des étapes sensées vous conduire à l’orgasme ?


L’éducation et la sensibilisation

Ces applications peuvent jouer un rôle essentiel dans l’éducation et la sensibilisation des individus aux questions de consentement. En fournissant des informations sur les différents aspects du consentement, ces applications ont un rôle à jouer pour élever le niveau de compréhension, et promouvoir une culture de respect mutuel. Elles peuvent également offrir des ressources éducatives afin d’aider les utilisateurs à reconnaître les signes d’abus et à réagir de manière appropriée.


Le consentement donne-t-il impunité et droit de tout faire ?

La clé de ces applications est qu’elles ne doivent en aucun cas permettre de blâmer les victimes, ou de faire croire à l’impunité des agresseurs. Au contraire, elles doivent responsabiliser chaque individu en matière de comportement relationnel. En encourageant la communication ouverte et le respect des limites, ces applications peuvent renforcer la notion de responsabilité individuelle, aidant ainsi à créer des relations plus saines et consensuelles.


Formaliser l’engagement

La formalisation de l’engagement constitue un élément certes peu glamour, mais essentiel dans la protection des partenaires. Les applications de consentement devraient offrir anonymat, fun, confort et sécurité dans cette étape. Les partenaires devraient pouvoir exprimer le plus simplement possible leur engagement à respecter les limites définies, sans avoir à relire et signer 10 pages de conditions générales et de mises en garde écrites par un avocat. L’aspect formel permet cependant de renforcer la clarté des attentes mutuelles, en offrant un moyen de recours solide et recevable dans le cas où la relation tournerait mal, où l’un ou l’autre des partenaires ne respecterait pas la responsabilité qu’il ou elle s’était pourtant engagée à prendre.


Seul un oui n’est pas un non …ou alors seul le non ne veut pas dire oui… le consentement n’est pas simplement binaire !

Le point central réside dans la compréhension du consentement. Il ne peut être une affirmation binaire, sans limite de temps, ni droit de se rétracter. Il est un espace intime dans lequel une relation, quelle qu’elle soit, peut se développer sans risques d’abus. Ce nouveau concept souligne l’importance de la communication continue, du respect des limites individuelles et de la compréhension mutuelle, ainsi que des droits de chacun. Les applications de consentement peuvent aider à faciliter cette communication, en offrant des outils qui créent cet espace de dialogue ouvert et éclairé, éloignant ainsi les relations de tout potentiel d’abus. En soutenant l’éducation, la sensibilisation, la responsabilité individuelle et la formalisation de l’engagement, ces applications peuvent contribuer à créer un environnement dans lequel chacun pourra exprimer ses droits de manière respectueuse et consensuelle.